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Lettres au Chat

Donc, le chat Pépin a disparu. Prune, la petite fille, Aurélie, la mère, le coussin bleu puis le voisin place des lettres dans la chatière. En creux, une histoire s’esquisse, du passé est évoqué, les relations évoluent. Ça donne un petit roman épistolaire charmant, doux, triste et cajoleur comme un félin de poche.

Avec Lettres au chat, Antoinette Rychner fait d’une histoire a priori banale – celle de la disparition d’un chat vécue par une mère et sa petite fille – un récit surprenant, plein d’humour et de tendresse, qui tient autant aux talents d’écriture de l’auteure qu’à l’originalité de sa narration. En adoptant des points de vue variés et peu communs sur l’événement tel qu’il est vécu par les protagonistes de son histoire, Antoinette Rychner nous fait regarder d’un œil neuf ce que nous croyons bien connaître : l’attachement, l’absence, la banalité du quotidien ou encore les rapports entre adultes et enfants qui sont traités avec subtilité et sensibilité. Lettres au chat est un récit à partager sur la gestion créative et poétique d’une situation problématique.

Antoinette Rychner

Ses premiers pas dans la littérature, la Neuchâteloise Antoinette Rychner (1979) les fait en gagnant le prix PIJA de la nouvelle en 1999. Elle se lance ensuite le défi du théâtre : après une formation de technicienne du spectacle, et plusieurs années d’activité professionnelle dans ce domaine, elle écrit en parallèle une première pièce, La vie pour rire, mise en scène en 2006 par Robert Sandoz.

C’est vers une écriture plus variée qu’elle se tourne en s’inscrivant à l’Institut Littéraire Suisse, dont elle sort diplômée en 2009. Dès lors sa plume s’aventure tout à la fois dans les mots de la fiction ou de la poésie, du théâtre ou de la critique. Des nouvelles sont publiées dans des recueils collectifs (A la recherche de l’utopie, Editions Campiche), magazines (Prix Profil 2007) ou mis en onde (Espace 2). D’un autre côté, une deuxième pièce, L’enfant, mode d’emploi, est produite en 2009 au CCN et une autre, Cooking Mama, est publiée aux éditions Lansmann.

En 2010 paraît son premier recueil, Petite collection d’instants-fossiles : des textes brefs dans lesquels des instants-clés sont illuminés par une écriture douce, drôle et équilibrée. Curieuse de nouvelles formes de créations, Antoinette a participé au projet « Zone d’écriture » au Théâtre du Grütli, Genève, en 2010 et, durant la saison 2010/2011, ainsi qu’à plusieurs expériences d’écriture de plateau, avec les metteurs en scène Vincent Brayer et Ludovic Chazaud.

Elle fait partie des quatre boursiers de « Textes-en-scène », une action pour l’écriture théâtrale soutenue par la SSA, Pro Helvetia et le Pour cent culturel Migros. Antoinette Rychner a reçu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles « l’Inédit théâtre » pour sa pièce De mémoire d’estomac (2011). Après s’être isolée un mois sur une île de Bretagne (2011), elle continue à expérimenter les lieux d’écriture en 2012, en tant qu’auteure en résidence à Berlin.

Elisabeth Jobin, décembre 2011

extrait:

“Cher Pépin,

Ça fait trois jours que tu as disparu. Avec Maman, on calcule depuis lundi parce qu’on n’avait rien remarqué avant. Peut-être que tu avais déjà disparu dimanche, ou samedi… on sait pas.Je pense que tu as oublié de rentrer parce que tu t’amuses trop bien dehors. Les pancartes pour avertir les voisins, c’est peut-être une bonne idée, mais on n’a encore rien fait parce que perdu ça veut dire perdu, toi tu es juste en train de faire un tour, comme d’habitude. Je me souviens d’une fois, quand je connaissais pas encore tous les jours de la semaine, tu étais parti longtemps. Je commençais à avoir peur. À chaque fois tu es revenu, alors j’ai raison d’attendre. En plus de cette lettre dans la chatière, je t’ai fait un nid avec des habits et ton coussin bleu. Quand tu reviendras, installe-toi dedans, comme ça si tu repars avant que je rentre de l’école, j’aurai qu’à regarder le coussin pour savoir. J’espère qu’il y aura un creux dedans. J’espère aussi que Maman ne va pas remarquer que j’ai mélangé des habits propres avec les sales, parce que le tas était pas assez épais. Si elle me gronde, je dirai : « C’est pour Pépin ! » Maman est triste quand elle dit ton nom, mais quand c’est moi qui parle de toi, on dirait qu’elle devient encore beaucoup plus triste, alors si en plus j’ouvre mes grands yeux, impossible qu’elle me gronde.

Salut mon Patapounche, à très bientôt,

Prune”

Rien de Sérieux.

Ce monologue est introspectif.

Interprétation & mise en scène: Sifiane El Asad

Il s’agit d’une comédie dramatique.

J’ai décidé de remonter sur scène dans un seul-en-scène hypocondriaque aussi essentiel qu’anecdotique.

Motivations

J’avais envie de voyager dans mes souvenirs liés à mon parcours médical. J’évoque mes pathologies et de mon parcours santé depuis que je suis que j’existe. Aussi anecdotique soit-il, je trouvais intéressant de parler de ces moments de doute voire de terreur quand on passe dans les mains des soignants. Faire un parallèle avec le lever de voile sur la situation du secteur de la Santé.

Dans les chroniques, je relate essentiellement de choses que j’ai vécu depuis une quinzaine d’années. Il y a eu un basculement qui m’a laissé entrevoir où était potentiellement ma fin vie. C’est un parcours dans certaines institutions. Voilà, il fallait que je tombe pour réaliser une de mes fins possibles. Et même si la vie ne se terminera pas de cette façon-là, cette expérience m’a apaisé sur l’infinité d’autre scénario probables. Suis-je réellement prêt, je n’en sais rien, mais j’envisage avec plus de calme ce genre de choses.

Le spectacle est témoignage maladroit des maladies plus ou moins contraignantes. Je tente de mettre des mots sur mes douleurs pour enfin me respecter. Dans ces réflexions, je partage aussi mes colères, mes douleurs, mes incompréhensions, mais toujours sur le ton de l’humour. Nous sommes tous passés par un corps médical. Le premier visage que nous ayons vu est certainement le visage d’une infirmière.

Dois-je attendre une maladie fatale pour prendre conscience de la chance de respirer encore. Devons-nous attendre pour se réjouir de nos expériences de chaque instant ?

J’éprouve cependant un sentiment d’illégitimité. C’est un point crucial dans le rapport que je vais entretenir avec le public. Dans mon for intérieur, je ne peux que ressasser le fait que des gens subissent des pathologies plus sérieuses que la mienne.

Mais après tout, tout est relatif, n’est pas ? Nous souffrons tous de façon identique face à des notions différemment et objectivement plus ou moins essentielles au bon déroulement de la vie.

Tout ça amène une réflexion autour de la notion de courage. Personne n’a le droit de juger de la douleur de l’autre. On constate aujourd’hui qu’il existe des maladies qu’on connaît très peu en définitive. On en a considéré certaines comme faisant partie de l’imaginaire ou de l’inconstance psychologique pendant très longtemps. J’essaie de désamorcer ce sentiment de culpabilité. La culpabilité nous conditionne depuis notre tendre enfance. On jongle avec des notions comme l’humilité, l’égocentrisme, la responsabilité ou la dignité. Nous devons accepter que nous entretenons des rapports singuliers avec ces concepts qui définissent les limites de la « morale ».

Alors pourquoi maintenant ? Le Covid a provoqué différents moments de sidération qu’il est important de souligner. Il y a eu cet éveil, ce lever de voile sur la précarité des artistes et sur la situation des soignants. Nous avons tous tapé sur des casseroles à nos fenêtres. Nous avons tous pensé aux enseignants qui ont dû repenser leurs cours et s’adapter aux normes floues de confinement.

Je m’affirme en patient lambda face aux images de la « santé en lutte ». Ce combat des soignants pour que le secteur médical puisse avoir plus de moyens. Éviter de tomber dans une commercialisation à outrance dans le secteur de la santé. N’oublions pas que la maladie est une valeur sure de l’économie au même titre que la mort ou la naissance.

C’est effrayant d’observer le nombre hallucinant de réponses aux problèmes systémiques du néolibéralisme. L’économie reste la valeur suprême. Elle définit le manque de rentabilité et monétise tout et surtout l’essentiel. Elle s’attaque même à la sécurité sociale, qui a pris tellement de temps et de vies pour être mise en place. Pour ma part, la défense de la sécurité sociale est une valeur démocratique fondamentale qui préserve les droits des uns et des autres face à la vie, la guérison voire la mort. C’est un monde qui s’effondre pour préserver l’intérêt de la spéculation On spécule sur tout, la vie et la mort. Nous devrions tous avoir conscience, mais la société n’aime pas trop qu’on rappelle où sont les vraies limites de cette vie.

Il y a un lien évident entre la culture et la santé.

Comme une passerelle entre les soins physiques et psychologiques. Que l’art peut s’imposer là où le patient doute encore de l’utilité de s’intéresser à sa santé psychologique.

Pourquoi je fais ce spectacle. ? Il est fondamental de faire le lien entre l’humain et ces domaines dits « non essentiels ». On reproche le délabrement économique pour instaurer une révision commerciale. On parle de culture de santé ou d’enseignement. Au milieu de ce désastre politico-économique le bon sens n’a plus sa place.


Mise en scène

Un élément de mobilier médical, une chaise roulante et un rideau d’hôpital laissent l’imaginaire agir : Un personnage en tenue de ville et besace, s’interrogera dans un récit personnel. Une histoire composée d’anecdotes et de pensées coincées entre Asclépios, Hugh Laurie et la cressonnette du resto du centre de revalidation. Son monologue sera rythmé par des bruits de manifestations de Santé en Lutte et des couloirs de la clinique. Les minutes d’attente passent et l’angoisse grandit avec la volubilité du protagoniste. À la fin, un soignant lui annonce qu’il n’y a « Rien de sérieux. »

Sifiane El Asad, né à Bruxelles en 1970, d’un père palestinien et d’une mère belge, Sifiane obtient en 1996, un 1er prix en Art de la Parole au Conservatoire Royal de Bruxelles. Il jouera dans “Faust” dirigé par D. Scahaise; “Carmen” de Biset dirigé par A. Voisin ; “Le Voyage de Pinocchio” de Collodi dirigé par Th. Janssen ; “L’Écume des Jours” de B. Vian; “Rendez-vous Contes !” dirigé par M. Lejuste; “Traversée nocturne avec William Shakespeare” dirigé par D. Serron au T. N.B ; “l’Année du Bac” de J-A. Lacour ; « Le Lieutenant d’Inishmore » dirigé par D. Golby au Théâtre de Poche ; « Tristan und Isolde » de R. Wagner au Théâtre de la Monnaie. Sifiane commencera par mettre en scène : « Rec » en danse théâtre ; « Here Now » et « Architexture » en danse contemporaine (2007) ; « Addolorata » de M. Micone (2001) ; «  The Breakfast Club » de J. Hughes (2001), « Croisades » de M. Azama (2000) ; « Rendez-vous Contes du Troisième Type » (1999) ; « Roberto Zucco » de B-M. Koltès (1999). Agitateur de conscience, en 2008 il crée le « Fantastique Collectif » avec lequel il monte « Je lis », adaptation de « l’Analphabète » d’A. Kristof (2008) ; « Dagon & Other Macabre Tales » de H-Ph. Lovecraft (2008) ; « Aspartame » d’É. Durnez (2009); « Je t’embrasse » adapté des « Lettres Sans Frontières » de R. Job (2012) ; « Tu n’as rien vu à Fukushima » de D. de Roulet (2017). Touché par les différents maux de nos sociétés, il aime entrer sans complaisance dans l’intimité sociale des personnages.

La Femme dans l’Ombre

« La femme de l’ombre » est née de la proposition d’un metteur en scène de transposer mon livre « Les Hommes de l’ombre » au théâtre. Ce livre raconte et met en lumière les techniciens de spectacle : reportage réalisé entre 1997 et 2017. Il résume l’histoire de ce reportage en présentant tous les métiers techniques qui œuvrent au bon déroulement d’un spectacle. Cette pièce de théâtre permettrait au public de prendre réellement conscience de la vie d’un artiste et la collaboration entre artistes et techniciens.

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